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La première fois que j’ai utilisé du latex il s’agissait pour moi de trouver  une peinture, qui appliquée sur une surface souple comme du tissu ou un film plastique, résisterait  aux pliures et torsions sans casser. Mon travail s’est toujours focalisé sur cette idée de souplesse et de tout ce qu’elle sous-entend à savoir la transformation, le mouvement, l’impermanence,  l’informe, la fragilité, la force de la pesanteur…

Parmi ces matériaux flexibles, le latex présente la particularité de pouvoir être coulé et moulé, et de disposer ainsi, tout en restant souple, d’une forme assez précise.

Après avoir travaillé pendant plusieurs années, dans le cadre de sculptures et d’installations, sur des formes anthropomorphiques inspirées à la fois du corps humain et de costumes, dans lesquels le latex appliqué sur des films plastiques s ‘apparentait à une peau ou à des formes organiques, mon travail s’est orienté vers des recherches plus formelles autour de l’écriture et de la ligne.

Le point de départ de ce travail consiste en des écrits personnels (« journal intime »).

 

 
 

« Depuis plus de vingt ans, je tiens un journal intime, qui consiste en des cahiers de type cahier d’écolier, que je remplis spontanément, sans censure, pour « remettre mes idées au clair ».  Je dispose de plus de quatre vingt tels cahiers dans mon placard.

Lorsque j’étais adolescente, je relisais ces cahiers avec délectation, mais depuis très longtemps je ne le fais plus. Au bout de quelques pages, je  suis lasse, je ne vois que la répétition de mêmes pensées et cela ne m’intéresse plus. L’intérêt de ces cahiers ne réside que dans l’acte d’écrire, pas dans le résultat.

Depuis peu, j’écris directement en latex noir sur de grandes tables de plus de 2 mètres de large que j’ai installées dans mon atelier. Je coule mes textes à plat en latex. Chaque mot de cette écriture déjà reliée est lié au suivant. Après démoulage les mots s’enroulent sur eux-mêmes, prennent l’espace et cessent la plupart du temps d’être lisibles, tout en demeurant identifiables comme des lettres.

Ils prennent une expressivité qui est indépendante de leurcontenu, ils deviennent matière à être réorganisés, recomposés en fonctions des critères plastiques que je choisis.

     

Dans le travail qui se présente tantôt sous la forme d’installations, tantôt sous la forme de sculptures ou bas-reliefs, il m’est apparu, qu’au delà de l’acte exutoire d’écrire, et du jeu formel avec les mots en 3 dimensions, il y est aussi question de notre difficulté croissante à appréhender le monde avec les simples outils de la pensée et du langage. L’objet livre est en passe de devenir désuet, au bénéfice de l’image qui continue de l’emporter et d’internet, moins exigeant sur le contenu et à l’organisation non plus linéaire mais arborescente. 

Sans soute s’agit-il aussi pour moi, à travers ces phrases en latexte entremêlées et illisibles, d’évoquer une certaine disparition de l’écrit et du mode de penser le monde qu’il véhiculait.

 

 

 

 

 

 

 

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